L'inévitable Réparation (Hilda van Suylenburg) by Cécile de Jong van Beek en Donk

L'inévitable Réparation (Hilda van Suylenburg) by Cécile de Jong van Beek en Donk

Auteur:Cécile de Jong van Beek en Donk [de Jong van Beek en Donk, Cécile]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Femmes, Société, Littérature néerlandaise, 20e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2024-03-08T00:00:00+00:00


XXII

Corona était à son déjeuner, et s’efforçait à manger, mais c’est à peine si elle parvint à avaler quelques bouchées ; elle était trop fatiguée. Toute la nuit elle avait veillé auprès de la petite Marie Rœrade, et quoiqu’elle fût habituée à voir bien des misères, des détresses comme celle-ci la bouleversaient toujours.

La veille, vers onze heures, Mme Rœrade était venue l’appeler. Marietje, l’aînée de ses neuf enfants, une fillette de dix-sept ans, « petite main » dans un magasin de la Spuistraat, venait de rentrer chez ses parents… C’était la vieille histoire, si vieille qu’elle paraît banale à ceux qui en entendent parler, mais qui, pour ceux qui la vivent, est encore poignante comme au jour où pour la première fois elle brisa une pauvre petite existence.

Marietje avait été séduite. Elle était si jolie et si jeune ! Elle avait cru aux paroles d’amour et aux promesses. Puis, comme toujours, la déception était venue, avec son affreux cortège de honte et de désespoir, et hier soir Marie était rentrée chez ses parents, qui ne se doutaient de rien et elle avait mis au monde une petite fille.

Corona accoudée, appuya la tête dans sa main ; elle voulait se reposer un instant. Mais involontairement elle se mit à penser à tant de femmes qu’elle avait secourues pendant les heures de la suprême souffrance. Sachant combien il est affreux d’être seule dans ces moments, elle avait toujours pris particulièrement soin des pauvres petites pécheresses ; et quelle quantité elle en avait vu passer !… Et que de cas différents avaient défilé devant elle… Il y avait les petites victimes de leur incroyable ignorance, et celles qui se perdent en état d’ivresse ; il y en avait qu’une légèreté atavique avait poussées à la débauche, d’autres avaient succombé par la misère ou bien par leur foi naïve dans de belles promesses. Et d’autres encore avaient cédé aux conseils de parents indignes, et quelques-unes, après toute une vie irréprochable et chaste, avaient, dans un unique instant de défaillance, compromis leur avenir. Il y en avait eu aussi de vicieuses, dont la perversité avait aussitôt éloigné Corona, mais à beaucoup de ces malheureuses elle avait donné sa bienfaisante amitié et son estime. Et en passant en revue cette longue théorie de pauvres êtres, une grande amertume monta au cœur de la jeune doctoresse contre la cruauté des honnêtes femmes qui tâchent d’ignorer toutes ces détresses. Même les livres qui traitent de ces questions sont considérés comme une lecture inconvenante pour les femmes qui se respectent. C’est si charmant, et si « féminin » de dire avec une petite moue naïve qu’on ne sait rien de toutes les horreurs qui se passent dans le monde. Oh, la honteuse indifférence des femmes se disant honnêtes, qui regardent de très haut les malheureuses filles, victimes, peut-être, de leurs fils, de leurs frères, de leurs maris !… Ces femmes qui se croient pures, ne comprennent-elles donc pas qu’il est bien plus propre de nettoyer les tas d’ordures qui



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